La Journée mondiale de la pêche est célébrée chaque année le 21 novembre dans le monde entier. Cette année, la devise était axée sur la durabilité sociale et les conditions de travail dans le secteur de la pêche. L’idée de la Journée mondiale de la pêche est née en 1997 lors du Forum mondial de la pêche à New Delhi, en Inde. Il fut proposé par un groupe de défenseurs de la pêche artisanale et d’écologistes qui ont compris la nécessité de sensibiliser le public à l’importance de la pêche et aux défis auxquels elle est confrontée. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la surcapacité des flottes de pêche industrielle, alimentée par les subventions, a conduit à une surpêche croissante et à son expansion jusque dans les derniers recoins de l’océan, contribuant à l’extinction massive d’espèces et à la diminution des prises.

Le changement climatique, qui se traduit par un réchauffement des océans avec une diminution de l’oxygène et une acidification progressive, accroît la pression sur les écosystèmes marins et leurs ressources. La pêche artisanale, qui utilise généralement des engins à faible impact, représente environ un quart de la production alimentaire mondiale de poissons sauvages et 90 % de la main-d’œuvre, hommes et femmes confondus. De nombreuses pêcheries artisanales traversent une crise grave, car les bases de leur subsistance sont érodées par la surpêche et la mauvaise gouvernance.

«À l’occasion de la Journée mondiale de la pêche, nous demandons instamment aux dirigeants engagés dans les négociations internationales et des Nations Unies de reconnaître, de soutenir et d’impliquer activement les pêcheurs artisanaux et les travailleurs de la pêche à petite échelle, les Peuples Autochtones et les communautés locales dans les discussions et les décisions visant à restaurer la santé des océans et des eaux intérieures. Il est essentiel d’établir des mécanismes transparents et responsables qui garantissent l’inclusion et la participation active de ces groupes dans les réunions, les délégations, les événements parallèles et les accords, ainsi que de soutenir leur inclusion dans la mise en œuvre ultérieure de ces accords.»

C’est ainsi que s’ouvre la lettre ouverte aux ministres chargés de la pêche dans de nombreux pays, aux organisations de pêcheurs et de travailleurs de la pêche, aux chercheurs, aux ONG environnementales et aux organisations de la société civile qui œuvrent en faveur d’un océan sain et de populations en bonne santé sur une planète vivante.

«Aujourd’hui, alors que nous célébrons la Journée mondiale de la pêche pour souligner l’importance de la durabilité des populations de poissons dans le monde, nous appelons à soutenir la pêche artisanale, les Peuples Autochtones et les communautés locales et à les faire participer équitablement aux décisions et accords mondiaux relatifs aux ressources marines vitales pour leurs moyens de subsistance et leur bien-être socioculturel, y compris l’événement de haut niveau sur l’action océanique en 2024 au Costa Rica, le Comité des pêches de la FAO en 2024, la COP16 de la CDB, la COP29 des Nations Unies sur les changements climatiques et la Conférence des Nations Unies sur l’Océan en 2025.»

Mundus maris soutient cette lettre ouverte et a contribué à son élaboration, notamment en participant activement au groupe de travail sur la pêche artisanale de RISE UP. Lire ici la lettre ouverte. Nous invitons tous les lecteurs et toutes les personnes intéressées à se joindre à nos efforts et à ceux de la grande coalition. Contactez-nous à info(at)mundusmaris.org.

Pour plus d’informations sur l’Appel bleu à l’action de l’initiative RISE UP pour l’océacliquez ici.

Dans la foulée de plusieurs webinars portant sur des questions clés relatives à la pêche et les moyens de subsistance des opérateurs à petite échelle au Nigéria et dans les pays du golfe de Guinée, Mundus maris et Fish Party ont célébré la Journée mondiale de la pêche 2023 lors d’un séminaire en ligne réunissant des intervenants expérimentés et axé sur les Directives volontaires pour garantir une pêche durable artisanale (SSF) dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté. Les Directives pour une pêche durable artisanale se pencheront sur 10 ans de pratique ou d’absence de pratique depuis leur adoption en 2014 par le Comité des pêches (COFI) de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Au cours du séminaire animé par la Prof. Stella Williams de Mundus maris, Dr. Kafayat Fakoya, représentant de WorldFish Nigeria pour l’occasion, mais également chercheur à la Lagos State University (LASU) et membre de Mundus maris, a rappelé que les lignes directrices de la SSF n’avaient été largement diffusées qu’en 2017. Les chercheurs ont pris contact avec l’ICSF (Collectif international de soutien aux travailleurs de la pêche), dont le siège se trouve en Inde et qui a joué un rôle majeur dans l’élaboration des lignes directrices de la SSF, afin d’obtenir des conseils sur ce qu’il convient de faire en 2019. Les efforts concertés ont ensuite abouti un atelier international de trois jours en 2022 qui a synthétisé les discussions sur l’expérience et les actions nécessaires au Nigeria avec les expériences d’autres pays africains. Tout au long du processus, il est apparu clairement que des processus multi-partites étaient nécessaires pour mettre en œuvre les Directives et en récolter les bénéfices en termes de sécurité alimentaire, de préservation des ressources et de contribution au bien-être social et économique.

Atim Okoko, directrice adjointe de la pêche au ministère nigérian de l’agriculture et des ressources naturelles, a parlé de son analyse des Directives de la pêche artisanale durable (PAD) sur le terrain, à savoir l’extension de la sensibilisation dans tous les pays et le besoin urgent de renforcer les institutions locales. Elle a insisté sur le fait qu’il était important d’envisager la pêche dans le contexte plus large du développement rural et des effets qu’auront l’amélioration des infrastructures et des services sociaux, tels que l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Elle a mentionné un projet mis en œuvre il y a longtemps par la FAO pour renforcer les sociétés coopératives et les effets bénéfiques de l’électrification des communautés rurales. La formation des dirigeants et les voyages d’étude auprès d’autres pays riches en expériences, combinés à des services de vulgarisation réguliers, feraient une grande différence.

Deaconess Foluke Areola, récemment élue à un poste de direction de la Société mondiale d’aquaculture, a confirmé que les Directives PAD n’étaient pas toujours bien comprises dans l’ensemble du pays. En tant qu’ancienne directrice de la pêche, elle a rappelé que les politiques sectorielles du Nigeria s’étaient concentrées sur la pêche artisanale jusqu’au sommet de 2005 organisé notamment par le NEPAD et WorldFish quand l’aquaculture a été placée au centre des préoccupations du pays. Il s’agissait d’une réaction à la baisse des captures due à la surpêche et à d’autres facteurs. En outre, l’accent mis depuis 1999 sur l’élevage industriel de la crevette orienté vers l’exportation n’a pas été favorable à la production locale des pêcheurs côtiers. Et les 50 millions de dollars annuels de recettes d’exportation vers l’UE ont pesé plus lourd dans la balance.

Elle a insisté sur le fait qu’il était important de mieux comprendre les Directives et les rôles des pêcheurs et des administrations à différents niveaux, de gérer les attentes par rapport aux politiques gouvernementales et à leur mise en œuvre et d’impliquer davantage les organisations de la société civile pour améliorer les résultats. Elle a dénoncé la faiblesse des statistiques et suggère de rétablir le système des enquêteurs dans tous les principaux lieux de débarquement du poisson. Cela permettrait de renforcer la base de la prise de décision pour autant que ces enquêteurs soient bien formés et équipés et qu’ils gagnent la confiance des communautés.

L’échange qui a suivi a mis en évidence la nécessité d’apporter des réponses différenciées pour tenir compte des conditions locales le long des états côtiers du Nigeria, mais aussi pour ceux qui disposent d’importantes ressources en eau à l’intérieur des terres. Cornelia Nauen de Mundus maris a suggéré d’écouter les femmes et les hommes directement concernés afin de tirer parti de leur expérience pour identifier les problèmes les plus urgents et les voies prometteuses pour un changement positif, en réponse aux demandes de plans d’action. L’instauration de la confiance entre les parties prenantes, le renforcement des organisations locales et l’apprentissage mutuel ont été mentionnés à plusieurs reprises dans les remarques finales. La production de matériel dans les langues locales, l’organisation de réunions régulières pour décider d’actions concrètes et contrôler la mise en œuvre devraient être des étapes pratiques de la mise en œuvre, si possible avec la participation active des agents de vulgarisation. Il s’agit de faire de l’application des Directives PAD pour le secteur de la pêche une réalité et d’œuvrer ainsi à la promotion sociale et à l’amélioration des conditions de travail dans le secteur de la pêche.

Transmettons cette énergie positive aux différents États du Nigeria et à leurs communautés rurales et de pêcheurs. La lettre ouverte de RISE UP pour la Journée mondiale de la pêche a ensuite été partagée avec tous les participants.

La Journée mondiale de la pêche a donné lieu à plusieurs manifestations au Sénégal. Face à la crise profonde du secteur engendrée notamment par la surpêche industrielle et la mauvaise gouvernance, plusieurs organisations du secteur ont demandé l’arrêt de l’octroi de nouvelles licences de pêche industrielle, de la capture de juvéniles et de la construction de nouvelles usines de farine de poisson qui mettent en péril la disponibilité d’aliments à base de poisson à un prix abordable pour la population locale. L’accès aux petits pélagiques comme la sardinelle (Sardinella) et l’ethmalose (Ethmalosa) doit être réservé aux opérateurs locaux afin que les femmes puissent gagner leur vie dans les activités post-récolte et subvenir aux besoins de leur famille. Les organisations professionnelles expriment également leur grande inquiétude face à l’émigration irrégulière.

Cliquez sur l’image pour accéder à la vidéo YouTube avec la déclaration au gouvernement d’Abdoulaye Ndiaye pour ramener le secteur vers des voies viables ou cliquez ici pour le mémorandum pour une analyse des problèmes et des demandes. Abdoulaye Ndiaye dirige la campagne Océan de Greenpeace Afrique et était l’orateur de la plate-forme d’organisations célébrant ce « jour noir » pour la pêche au Sénégal.

Les neuf demandes clés sont les suivantes:

  1. Geler l’octroi de toute nouvelle licence de pêche industrielle sur des stocks pleinement exploités et surexploités ;
  2. Réserver exclusivement l’exploitation et la commercialisation de la sardinelle et de l’éthmalose aux acteurs nationaux pour le ravitaillement du marché national afin de renforcer la sécurité alimentaire nationale et la création d’emplois ;
  3. Augmenter la représentation des Professionnels de la pêche dans les organes de gestion (CNCPM, CCALP, et autres commissions) ;
  4. Mettre en œuvre les recommandations des concertations sur les Usines de Farine et d’Huile de Poisson (UFHP), notamment la prise de l’arrêté de gel des autorisations d’implantation de toutes nouvelles unités de farine et d’huile de poisson et l’audit des unités existantes ;
  5. Prendre des mesures de gestion durables des pêcheries pour éradiquer l’émigration irrégulière ;
  6. Faire une évaluation indépendante, par la partie sénégalaise, de l’Accord de pêche avec l’Union Européenne (UE) avant toute négociation pour le renouvellement d’un nouvel accord de pêche et partager les résultats avec les parties prenantes ;
  7. Renforcer la recherche et vulgariser les résultats avec les parties prenantes (Professionnels, Administration des pêches, etc.) ;
  8. Professionnaliser le secteur de la pêche artisanale et généraliser les cartes de métiers (Mareyeurs, Femmes transformatrices, Pêcheurs artisanaux, etc.) ; et
  9. Mettre en œuvre les standards internationaux et les bonnes pratiques de transparence des pêches.

Le 21 novembre 2023 également, à Hann Bel Air, Aliou Sall de Mundus maris avait réuni un groupe de femmes de la communauté qui discutaient de leurs doléances depuis longtemps dé. Elles se plaignent d’avoir été déplacées de leurs lieux de travail traditionnels sans compensation pour faire place à un énorme complexe frigorifique d’un investisseur étranger. La surpêche, en particulier celle pratiquée par les navires industriels, a mis la ressource à genoux et de nombreux bateaux ne prennent même pas la mer pour pêcher parce que les maigres prises ne couvrent pas les coûts d’exploitation.

L’augmentation des captures de petits poissons pélagiques juvéniles signifie que ce qui reste de la pêche est en train de détruire rapidement son propre avenir. Cela signifie que de nombreuses femmes, ici et ailleurs, sont sans emploi.

Mundus maris a développé, avec d’autres personnes concernées par l’avenir de la pêche, l’application FishBase. Le scan du code QR permet l’installation de l’application sur n’importe quel appareil Android. En choisissant un pays, vous téléchargez toutes les informations enregistrées relatives à ce pays, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’être connecté en permanence à l’internet. Choisissez votre langue et c’est parti!

L’application permet de rechercher des informations par pays telles qu’extraites du système mondial d’information sur toutes les espèces de poissons connues scientifiquement, par nom commun de poisson et dans n’importe quelle langue. Choisissez l’espèce qui vous intéresse et vous obtiendrez la photo et la taille minimale de reproduction du poisson, ainsi que quelques autres informations de base permettant de vérifier si les poissons débarqués sont des bébés ou des adultes.

En examinant la taille optimale, les utilisateurs qui voient beaucoup de juvéniles peuvent se faire une idée du gaspillage et de la perte de récolte potentielle dans un avenir proche. Cela devrait contribuer à éviter un sentiment d’impuissance face à une mauvaise gestion. Tout le monde est capable de voir ce qui doit être pêché et ce qui ne doit pas l’être et exiger des pratiques durables sous le contrôle de l’administration.

Aujourd’hui, le peu qui est débarqué peut finir dans des usines de farine de poisson ou dans des filières contrôlées par des investisseurs extérieurs à la communauté. Ne gagnant pas leur vie, les familles sont en détresse. Cela éclipse même les préoccupations fondamentales que les femmes avaient depuis des années dé, car l’absence de toilettes accessibles et d’équipements de base affectait leurs conditions de travail et leur santé. Avec l’une ou l’autre «explication» administrative, aucune administration n’était disposée à garantir leurs droits. Récemment, la sécurité est devenue un problème encore plus important qu’avant l’expulsion. Près de leurs stands, le trafic de drogue, les voyous et les vols abondent, mettant même leur vie en danger. C’est un véritable scandale.


Aliou Sall et Bina Diop montrant la demande des femmes : arrêter de capturer les petits pélagiques juvéniles et arrêter de transformer la nourriture essentielle des humains en farine de poisson pour l’exportation en tant qu’aliment pour animaux.

La réunion du 21 novembre, soutenue financièrement par Mundus maris, s’est concentrée sur la concrétisation des Directives volontaires pour une pêche artisanale durable (PAD). De nombreuses femmes n’étaient pas encore correctement informées des dispositions relatives aux droits de l’Homme et des mesures concrètes préconisées par les Directives PAD, que le gouvernement sénégalais s’était publiquement engagé à adopter. C’est pourquoi une vidéo avec une voix off en wolof a permis de combler ce manque d’information. Les femmes ont également visionné le documentaire de ZIDEOPROD au Sénégal, coparrainé par Mundus maris, «Poisson d’or, poisson africain», afin d’avoir une vue d’ensemble de tous les éléments de la chaîne de valorisation. Le film a remporté des dizaines de prix dans des festivals internationaux et a été traduit en plusieurs langues. Les participants ont pu voir comment, il y a quelques années, l’installation d’usines de farine de poisson appartenant à des étrangers à Kafountine a détruit une économie locale et régionale prospère à partir des captures de petits pélagiques, transformés localement et commercialisés dans toute la région jusqu’au Sahel. Cette destruction est en train de se généraliser et il est grand temps de s’opposer à des dérives encore plus graves. L’orientation vers l’exportation au détriment de la satisfaction des besoins locaux, même les plus élémentaires, ne doit pas se poursuivre sans contrôle.

Les femmes ont alors décidé de se réunir à nouveau à la fin de la semaine pour discuter plus en détail des problèmes et décider des actions à entreprendre pour obtenir la satisfaction de leurs demandes.

Entre-temps, la lettre ouverte de RISE UP exigeant des sièges à la table où sont prises les décisions sur la gouvernance de la pêche et de l’océan a été envoyée au ministère de la pêche et de l’économie marine du pays.

Traduction française de Christiane van Beveren.

Académie de la pêche artisanale