Pour mettre fin aux subventions néfastes à la pêche
Depuis plus de 20 ans, l’OMC a pour mandat d’éliminer progressivement les subventions néfastes à la pêche. Même après l’adoption des objectifs de développement durable par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015, qui réaffirment explicitement ce mandat dans la cible 14.6, les progrès dans cette direction ont été extrêmement lents.
Une mise à jour de 2019 a montré une estimation de 22 milliards de dollars dépensés par les gouvernements pour soutenir principalement leurs flottes industrielles longue distance ! [1] Une large coalition d’organisations de la société civile et de personnalités publiques soutient depuis de nombreuses années maintenant qu’il est temps d’agir MAINTENANT. Lors d’une récente réunion d’information en préparation de la prochaine 13e réunion ministérielle (MC13) à Abu Dhabi (26-29 février 2024), la directrice générale adjointe de l’OMC, Angela Ellard, a rendu compte des progrès du processus de négociation. Mais elle a également averti que, à moins que des mesures concrètes ne soient prises, le déclin mondial des ressources se poursuivrait sans relâche.
Nous présentons ici quelques résultats de recherches récentes qui soulignent l’inquiétude d’Angela Ellard. Mais nous sommes également convaincus que le changement est nécessaire, urgent, réalisable et réellement avantageux pour le plus grand nombre.
Le changement n’est jamais facile. Les armateurs en viennent à considérer qu’ils ont le droit d’obtenir, par exemple, du carburant subventionné pour les voyages transocéaniques, leur principal facteur de coût mais aussi un type de subvention très utilisé. Leur nature souvent discrétionnaire peut intéresser les gouvernements pour faire avancer des objectifs nationaux ou internationaux, notamment en matière de commerce, de compétitivité, etc. Les lobbies exercent une influence considérable sur le processus d’élaboration des politiques, au niveau national et international, afin de maintenir le statu quo. Le coût des distorsions des conditions de production et d’échange est principalement supporté par les citoyens des pays qui accordent des subventions, par l’environnement marin et ses ressources, principalement dans les pays du Sud où opèrent les flottes subventionnées, par les pêcheries artisanales de ces pays qui voient leurs conditions de revenus se réduire. Les citoyens et les consommateurs paient en fait deux fois, une première fois pour les subventions, puis une seconde fois pour les hausses de prix qui reflètent la diminution de l’offre.
Les détails réels sont certainement plus complexes que ceux décrits ci-dessus. S’il n’est pas question de dire que tous les navires industriels subventionnés sont automatiquement soupçonnés d’actes répréhensibles, la difficulté de surveiller et de contrôler les pratiques en mer constitue un défi pour toutes les agences nationales chargées de l’application de la loi. Le récent rapport de l’ODI intitulé «Fishy business» jette un peu de lumière sur ce qui semble être les «brebis galeuses» du secteur. Ses messages clés, issus d’une recherche approfondie dans plusieurs pays, sont les suivants:
- «Une poignée de grands conglomérats – 19 entreprises – possédant ou exploitant 657 navires dans les ZEE de l’Équateur, du Ghana, du Pérou, des Philippines et du Sénégal ont déjà été impliqués dans des pratiques non durables, notamment la pêche accidentelle, le manque de transparence, la participation au système de troc saiko et le découpage des ailerons de requins. Permettre l’accès aux zones de pêche et aux infrastructures portuaires à des navires qui ont déjà commis ces actes répréhensibles, c’est risquer de revenir sur les engagements pris en matière de pêche durable. C’est aussi une occasion manquée pour le développement à long terme et le bien-être des communautés locales de pêcheurs dans ces pays.
- Ensemble, les activités de ces entreprises impactent 34 000 emplois dans les cinq pays étudiés, et envoient potentiellement 142 000 personnes sous le seuil de pauvreté. Elles ont également un impact sur le PIB des pays : au Sénégal, par exemple, la perte des activités de pêche représente près de 0,2 % du PIB national.
- Les plus grands responsables parmi les pays étudiés, sont l’Équateur, suivi de la Chine, du Pérou, de l’Espagne, du Japon, du Panama et de Taïwan, province de Chine.
- Au total, 192 navires ont été identifiés comme étant liés à des intérêts chinois mais battant pavillon d’autres pays. Cette incorporation de navires étrangers dans les flottes nationales soulève des questions, car elle peut entraîner des distorsions du marché, encourager le dépassement des limites de captures durables et menacer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance.
- L’analyse des manœuvres de pêche des navires dans ces ZEEs montre une concurrence féroce entre les flottes nationales et étrangères d’un même type de pêche. La capacité technique des navires étrangers de pêche ininterrompue et de navigation dans des zones reculées leur confère souvent un avantage concurrentiel.
- Les pavillons de complaisance – ou le système par lequel un navire est enregistré dans un pays différent de celui où son propriétaire réside ou est citoyen – jouent un rôle important dans les flottes étrangères présentes dans les cinq ZEEs étudiées. Un cinquième des navires étrangers étaient enregistrés sous un pavillon de complaisance dont 3 % sous celui du Cameroun, du Vanuatu et des Comores, qui figurent sur la liste noire. Cette constatation soulève des inquiétudes quant aux normes de sécurité, aux risques environnementaux et aux conditions de travail.»
Traduction non officielle.
This ties in with findings of a new comprehensive study by Global Fishing Watch aimed at mapping all industrial vessel activities and offshore energy infrastructure across the world’s coastal waters from 2017 to 2021. The study authors found that more than 70% of fishing vessels were not emitting public signals, like the AIS (automatic identification signal to avoid collisions) open to monitoring. Between 21 and 30% of supply and energy vessels were also not publicly tracked. The study covered the 15% of the ocean where 75% of fishing takes place.
We have drawn attention earlier what the combined effect of industrial overfishing and expansion of offshore fossil fuel production means e.g. for women and men in artisanal fishing villages in Senegal, where industrial supplies to fishmeal plants further aggravate the resource overfishing at the direct expense of citizens food security. Quite a few of these industrial vessels are subsidised, whether flying the Senegalese flag with foreign ownership or being flagged to another country. World Fisheries Day, 21 November 2023 saw a big manifestation of a platform of representative organisations putting their demands forward to the government, namely a stop to further industrial fishing licences, an investigation into fishmeal factories and transparency. It is not far fetched to assume that quite a number of the admonished vessels are subsidised.
As we approach MC13, Mundus maris reiterates its strong commitment to the civil society platform ‘Stop funding overfishing’ and demands an end to harmful fisheries subsidies. We highlight the significant gains that can be made for marine ecosystems, small-scale fisheries, and the climate. Like with many of the needed policy and operational changes, we expect some short-term costs, but significant longer-term benefits. Public inclusive dialogue and the fair sharing of costs and the future benefits are major tasks of national and international policy makers so that a strong enough social consensus overcomes the lobbies. In particular we plead for measures that include small-scale fishers and Indigenous Peoples in the process and ensure that decisions affecting their livelihoods be taken with their free prior informed consent.
Our press release in preparation of MC13 can be accessed here.
[1] Sumaila, U.R., et al. (2019). Updated estimates and analysis of global fisheries subsidies. Marine Policy, 109:103695