Nous avons tenu à partager ce film que nous avons bien eu du plaisir à co–sponsoriser le 16 mars 2018 auprès de Mundo B à Bruxelles. Le film, comme le décrit l’article de Alain Le Sann, porte sur la communauté de Kafountine, qui en l’espace de quelques années est passée d’un centre touristique casamançais proche de la Gambie au centre de pêche le plus dynamique de tout le littoral sénégalais.

Kafountine qui est devenue ce qu’elle est aujourd’hui illustre la vitesse avec laquelle la pression sur les ressources des différents écosystèmes s’opère, remettant en cause et à terme la dépendance des populations par rapport aux différents services que leurs rendent des écosystèmes aussi importants: milieux aquatique et forestier à titres d’exemples.

La projection du film a attiré un public divers dont quelques membres de la communauté sénégalaise basée à Bruxelles, experts et techniciens travaillant dans le domaine des pêches et / ou de la gestion durables des écosystèmes notamment aquatiques, et bien d’autres liés au monde académique dont des étudiants.

Entamée à partir de 18h00, la projection a pris fin vers 19h00, suivie d’un débat. Les échanges ont principalement porté sur une ultérieure contextualisation qui à intéressé le public.

Premièrement, le film fait apparaître Kafountine comme une zone refuge pour tous des travailleurs de plus en plus nombreux les dernières années, contraints de délaisser le nord du Sénégal (Joal, St Louis, Bargny…), en bonne partie à cause de l’implantation d’usines de farines et d’usines exportatrices dans le Nord du pays.

C’est la surexploitation, le changement climatique et le pouvoir d’achat supérieur des ces usines, qui a réduite, voir éliminé, la base économique de la pêche artisanale au nord. provoquant une pression nouvelle sur les écosystèmes en Casamance, notamment du milieu marin, de la mangrove et de la forêt.

Bien que cette pression démographique autour de Kafountine pose un problème majeurde gouvernance, ce sont surtout ces autorisations d’implantation d’usines de farine de poisson par les administrations qui ont provoqué une concurrence accrue sur le marché intérieur africain des produits alimentaires.

Cette concurrence directe entre industriels et artisans, entre le poisson destiné à la consommation humaine ou à l’alimentation animale, est à la base du problème d’approvisionnement en poisson pour de nombreux transformateurs, transformatrices et commerçant(e)s desservant les marchés locaux et sous-régionaux.

Deuxièmement, on s’aperçoit aisément à travers ce film du déficit (sous différents angles) dans la capacité des autorités à réguler la manière et le rythme avec lesquels ces ressources sont ponctionnées de manière à en assurer un usage durable.

Les autorités en charge des eaux et forêts, censées protéger la flore soumis e aujourd’hui à une forte exploitation non régulée, expriment leur bonne volonté mais on sent quand même un certain aveu d’impuissance de leur part.

Comme le marché est souvent le facteur qui « dynamise » le rythme d’exploitation d’une ressource donnée, les écosystèmes de Casamance dont ceux dans la commune de Kafountine souffrent de l’excès de l’utilisation du bois pour les quantités industrielles de poisson transformé et convoyé vers les marchés de l’espace CEDEAO.

En effet, si manger le poisson fumé fait partie des traditions culinaires dans la majeure partie des Etats de l’espace CEDEAO, l’utilisation du bois pour cette technique (qui d’ailleurs n’épargne même pas la mangrove en dépit de son rôle capital pour la protection côtière) constitue un réel fléau. Ceci mérite d’être pris à bras le corps en essayant non seulement de mettre en place une législation à même de sauver ce qui peut encore l’être, mais aussi de proposer d’alternatives en terme de nouvelles technologiques efficaces et adaptées de manière à faire une économie substantielle quant à aux quantités de bois jusque-là utilisées pour la combustion lors du processus de fumage.

Nous espérons fort bien que ce film poussera à une prise de conscience de la part du grand public, d’autant plus que les producteurs sont sur le point de le promouvoir à l’échelle internationale, en commençant par sa projection en ouverture de la compétition du festival du film Pêcheurs du Monde le 22 mars 2018 à Lorient, France. Le grand défi est de reconcilier l’avenir des populations impliquées dans la pêche artisanale avec la protection d’un milieu naturel dont ils dépendent. En outre, la concurrence industrielle représente une menace palpable tant en mer que sur terre.

En effet, les craintes des opérateurs à Kafountine exprimées dans le film face à l’annonce de la construction d’une usine se sont vérifiées depuis la fin des tournages. Cette usine a été installée depuis et réduit le poisson africain, la nourriture humaine, en farine de poisson pour alimenter des saumons ou d’autres poissons carnivores!

Le texte est par Aliou Sall, photos par Thomas Grand. Le film a été produit par Thomas Grand de ZIDEOPROD. Click here pour le trailer. Nous remercions Mundo B pour la mise à disposition de la salle équipée.

Nous sommes fiers que le film vient d’obtenir trois reconnaissances lors du festival cinématographique la semaine suivant notre projection: Mention spéciale du Jury Jeunes, Mention spéciale du Jury Professionnel, Prix du Public! Félicitation au producteur et toute l’équipe de ZIDEOPROD!

Première publication mars 2018.

Amendement de septembre 2024 :

Depuis la première projection, deux usines chinoises de farine de poisson ont été construites : l’une dans certains espaces du village de transformation artisanale du poisson et l’autre dans une réserve naturelle. Des émeutes ont éclaté car de nombreuses personnes ont perdu leurs moyens de subsistance. Mundus maris a donc renvoyé l’équipe du film à Kafountine. Le documentaire original a ainsi été prolongé de 8 minutes d’images et de réflexions sur cette catastrophe et sur ce que cela signifie pour le développement ou ce que cela pourrait être lorsque les gens ne sont pas piétinés mais peuvent proposer leurs propres innovations et développement. Le documentaire prolongé a été invité dans d’innombrables autres festivals de cinéma à travers le monde et a remporté plus de 50 prix. Un exploit bien mérité et un modèle à suivre pour d’autres.