Atlas des pêches et pêcheurs d’Afrique de l’Ouest. États membres de l’UEMOA : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo. Editeurs scientifiques: Pierre CHAVANCE et Pierre MORAND. Publié en 2020 par IRD Éditions – Institut de Recherche pour le Développement, Marseille, France, et UEMOA – Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, Ouagadougou, Burkina Faso. 163 p. ISBN papier : 978-2-7099-2840-3
L’ouvrage porte sur les Etats membres de l’UEMOA et est produit dans le cadre d’un vaste programme dénommé « Plan d’aménagement concerté des pêches et de l’aquaculture » adopté par l’UEMOA en 2007 dont l’objectif principal est d’améliorer la qualité des données statistiques, facteur indispensable pour une gestion durable, basée sur des connaissances scientifiques, pour les pêches artisanales maritimes et continentales.
Sa réalisation a mobilisé diverses expertises : expertises scientifiques et méthodologiques, compétences informatiques, appui d’ingénieurs de projet, d’experts nationaux des secteurs des pêches dans un espace géographique comptant plus de 110 millions d’habitants, 3.500.126 km2, un littoral diversifié, plusieurs grands fleuves (Sénégal, Niger) et de nombreuses rivières et plans d’eau. Ce travail reposant sur beaucoup d’enquêtes de terrain a contribué à la mise à jour des données statistiques, certes, mais la couverture incomplète des très nombreuses communautés et filières continue à questionner leur fiabilité. Les premiers trois chapitres écrits par Pierre Chavance et Pierre Morand ont été essentiellement consacrés aux aspects suivants:
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La caractérisation des populations de pêcheurs et le degré de dépendance de certaines populations vis-à-vis de ce secteur d’activité;
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La contribution des pêches maritimes et continentales à la sécurité alimentaire;
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Les grands traits de conditions de vie et d’insertion sociale des populations impliquées;
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Les performances halieutiques et économiques des deux sous-secteurs en comparaison avec les chiffres du reste du monde.
Les données collectées par les auteurs ont été complétées par celles venant des administrations des pêches des Etats membres de l’UEMOA. En effet, huit fiches – pays ont été produits par 47 experts nationaux en guise de contribution à travers une description plus affinée de la situation nationale des pêcheries.
L’atlas fait état de la domination en nombre des Béninois et Maliens en pêche continentale, des Sénégalais en pêche maritime alors que les migrants représentent globalement 5,5% de l’effectif en pêche continentale et 18,6% en pêche maritime dont la majorité Ghanéens.
Les populations dépendantes de la pêche sont estimées à 1.730.320 personnes dont 1.047.368 personnes pour la pêche continentale et 682.952 dans le domaine maritime, avec une dominante au Sénégal : 4,72% de la population totale.
Mais les auteurs ont des réserves par rapport à ces données. Selon eux, qu’il y’a encore de nos jours une sous-estimation du nombre de personnes qui dépendent de la pêche. En outre, ils considèrent que les écarts sont encore plus importants au niveau de la pêche artisanale. Des acteurs clés de la chaîne de valeur n’ont pas été pris en compte dans les enquêtes notamment dans les sous activités suivantes : transformation, mareyage, fournitures d’engins, etc. La dépendance vis-à-vis à des activités de capture qui semble selon les auteurs la mieux documentée est relative d’un pays à l’autre, avec deux pays qui sont se retrouvent au sommet : 2,6% au Mali pour la pêche continentale et 3,9% au Sénégal pour la pêche maritime.
L’ouvrage confirme que l’activité de capture reste le domaine réservé aux hommes : 85,7% sont des hommes en pêche continentale contre 100% pour la pêche maritime. Ainsi cette division des tâches basée sur le genre n’a pas du tout évolué au fil du temps dans la mesure où les femmes restent encore les principales tenantes du secteur de la valorisation tel que ressorti dans l’ouvrage avec une présence beaucoup plus accentuée pour la pêche continentale (83% des personnes impliquées dans la transformation et le mareyage sont des femmes).
Outre les spécificités quant au degré de dépendance vis-à-vis de la pêche et des activités annexes, les auteurs ont noté un certain différentiel en ce qui concerne la taille des ménages sur la base de deux critères : la localisation géographique et l’âge des ménages. En effet, ils ont constaté que les ménages des pays du Golfe du Guinée sont de tailles plus petites. Par contre dans d’autres ménages plus au nord, il y’a tendance à avoir plus d’enfants avec la pratique de la polygamie.
La précarité des conditions d’existence des populations de pêcheurs et leur vulnérabilité est un des enjeux soulevés dans l’ouvrage. Il s’agit généralement des contraintes d’accès aux services de base tels que : la qualité de l’habitat, l’accès à l’eau, à l’électricité, aux services collectifs en général et à l’école. Ces contraintes sont identifiées aussi bien en pêche continentale qu’en pêche maritime. Cependant, les auteurs soulignent quelques variantes à savoir (i) les communautés de pêche artisanale côtière sont en général mieux loties en services de base que celles de la pêche continentale : accès à l’école par exemple (ii) dans le domaine maritime, pour certains services les communautés au Sénégal sont les mieux servies.
L’analyse de l’environnement des deux types de pêcheries dénote d’un certain nombre de disparités. Par exemple, en ce qui concerne la motorisation des pirogues dans les eaux continentales, le taux est de moins de 10% alors que dans le domaine maritime, il est de 78,4%. Cette motorisation s’est opérée avec des écarts en fonction des pays. Pour le Sénégal, il est de presque 90% pour le secteur maritime.
Les puissances des moteurs utilisés sont à 60% les moteurs de 10 à 20 CV suivis des moteurs de 40-50 CV. L’étude à fait ressortir quelques disparités dans la mesure où les pirogues exerçant dans les pays du golfe de Guinée utilisent davantage les moteurs standards de 25 et 40 CV (classes 20-30 et 40-50) et que celles de la côte ouest-africaine préfèrent ceux de 15 CV (classe 10-20).
L’ouvrage met en relief des particularités en ce qui concerne les engins utilisés et leur degré d’importance dans les pêcheries. Il souligne une variabilité dans les choix technologiques qui s’opère de manière non linéaire en fonction des saisonnalités, doublée d’un recours à la mixité des engins et d’un recours à la stratégie de polyvalence. Cette dynamique interne des pêcheries pose le problème d’une gestion concertée et harmonieuse des pêcheries. Le filet maillant qui domine avec une unité sur deux qui l’utilise, mais des disparités subsistent entre les pays. Son utilisation apparaît sensiblement plus forte au Bénin, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau. Si l’on prend en considération les sous-types de filets maillants déclarés, les filets maillants calés de fond (FMCF) sont les plus courants au Togo et au Bénin et les filets maillants dérivants (FMD) en Guinée-Bissau. Les filets maillants encerclants (FME) semblent plus rares et n’ont été déclarés qu’en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Suit la palangre et la pêche à la ligne sous ses différentes formes (30% des pirogues).
La répartition détaillée entre les lignes et les palangres selon les pays montre que ce sont les lignes qui sont uniquement utilisées au Bénin et au Togo et les palangres en Guinée-Bissau. La Côte d’Ivoire et le Sénégal utilisent les deux types d’engins de façon équilibrée avec une légère prévalence des palangres en Côte d’Ivoire. En troisième et quatrième position nous avons respectivement les sennes tournantes (8%) et les sennes de plage (2,3%) qui sont encore d’usage au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire. Dans 20% des cas, la polyvalence est pratiquée à l’échelle de la région (mixité d’engins). Dans 11% des cas d’engins multiples, il s’agit d’utilisation d’un filet maillant calé associé avec un filet maillant dérivant déployés à deux saisons de pêche distinctes visant à capturer des espèces différentes selon leur plus ou moins grande abondance ou facilité de capture.
Les auteurs soulignent les contraintes à un suivi plus correct de l’effort de pêche au niveau des flux migratoires et qui impacte la qualité des données statistiques utilisées. D’après eux, la réticence des migrants à répondre de manière exacte aux questions posées lors des enquêtes est une limite pour une bonne appréciation de leur réel effort de pêche dans les eaux des pays limitrophes fréquentées. En guise d’illustration, les auteurs nous renvoient à leur note méthodologique: « …en Guinée-Bissau, il n’y a qu’une faible proportion (3,9%) du parc piroguier présent qui déclare faire des migrations saisonnières, ce qui semble indiquer que les nombreuses unités de pêche migrantes en provenance du Sénégal voisin y ont été sous-enquêtées ».
Les réserves entretenues par les auteurs quant à la fiabilité des données statistiques utilisées sont valables pour tout ce qui touche à la rentabilité économique des opérations de pêche. Selon ces derniers les ratios entre coûts de transaction et chiffre d’affaire ne peuvent garantir une profitabilité des sorties en mer. Ainsi, selon eux, la seule stratégie utilisée pourrait être la diversification des sources de revenus auxquelles font recours les pêcheurs. L’autre alternative qui permet à ces derniers de se maintenir serait peut être liée à la saisonnalité de la pêche.
L’ouvrage a mis l’accent sur la place des produits de la pêche dans l’alimentation et la sécurité alimentaire avec 10 à 20% du total des débarquements, selon les pays, consommés localement. Ceci étant, les données relatives au nombre de personnes impliquées dans la transformation et la commercialisation en frais restent sources de questionnements pour les auteurs en ce sens qu’ils considèrent eux-mêmes qu’il est difficile de faire un décompte proche de la réalité avec des risques de double décomptage. A cela s’ajoute la mobilité des acteurs, le problème de la saisonnalité et l’importance des débarquements qui aussi peuvent influer. Il en ressort aussi que les pratiques du séchage et du fumage, avec des variantes dans les procédés, continuent à être pratiquée à grande échelle. Cependant, il y’a tendance à la spécialisation sur telle ou telle technique selon les pays, le Sénégal ayant tendance à offrir des produits plus diversifiés pour le marché des produits transformés.
Les différents chocs et menaces auxquels font face les communautés de pêcheurs ont été soulevé par les auteurs et sont par ordre d’importance décroissant, d’après les enquêtés (i) l’augmentation du niveau de la mer doublée d’une érosion côtière (ii) la pollution dont le degré dépend de la cohabitation ou non entre les activités de pêche et d’autres activités comme avec le port de Lomé au Togo (iii) la coupe de la mangrove. A ces facteurs de dégradation de l’environnement, s’ajoutent des intempéries qui touchent à la sécurité des pêcheurs tels que les tempêtes. Les auteurs soulignent à ce titre d’importantes innovations de la part des pêcheurs pour améliorer leur sécurité dont entre autres, l’usage – avec tendance à se généraliser – du téléphone mobile, des gilets de sauvetage etc. L’utilisation du GPS comme le soulève l’ouvrage est plus ancrée dans les habitudes des pêcheurs sénégalais alors que tous des équipements de sécurité ne sont que peu répandu au Bénin et surtout au Togo en dépit du fait que la barre dans le golfe de Guinée représente un danger majeur pour les bateaux artisanaux.
Les sous-secteurs de pêche continentale et de pêche artisanale maritime opèrent largement dans une économie informelle, souvent dispersés sur des vastes territoires dans les pays sans façde maritime. Les auteurs expliquent le grand effort de deux enquêtes cadre nécessaires qui ont été réalisées pour la recolte des données présentées dans cet atlas. Elles ont été effectuées en 2012 pour la pêche continentale (PC) dans les 8 pays de l’UEMOA et en 2014/15 pour la pêche artisanale maritime (PAM) des 5 pays côtiers. Pour tenir compte de certains spécificités, l’unité de base dans la PC était le ménage dont 11.584 enquêtés sur les 68.763 listés dans les sites visités et enquêtés, c’est à dire plus de 1.000 par pays sauf la Guinée Bissau. Les unités de base dans la PAM étaient les sites de débarquements au nombre de 515 listés et des unités de pêche dont 21,5% ou prèsque 4.000 ont été enquêtées.
Cela fait comprendre d’une part la difficulté des directions de pêche et des bureaux statistiques nationaux disposant généralement de très maigres ressources en personnel et moyens de produire des statistiques annuelles sur les principaux indicateurs. Les mutations accélérées ces dernières années dans l’environnement physique, social, démographiques et économique appellent d’autre part à un suivi continu au moins par échantillon pour comprendre comment la pêche continentale et de pêche artisanale maritime changent et s’adaptent continuellement. L’atlas est donc un instrument précieux de départ pour une meilleure appréciation de l’importance de la pêche artisanale même si les chiffres ne sont pas actualisées depuis. Les résultats de six ans de travail restitués entre autres avec des fiches infographiques construites sur la base de ces enquêtes sont accessible au publique
Les sous-secteurs de pêche continentale et de pêche artisanale maritime opèrent largement dans une économie informelle, souvent dispersés sur des vastes territoires dans les pays sans façde maritime. Les auteurs expliquent le grand effort de deux enquêtes cadre nécessaires qui ont été réalisées pour la recolte des données présentées dans cet atlas. Elles ont été effectuées en 2012 pour la pêche continentale (PC) dans les 8 pays de l’UEMOA et en 2014/15 pour la pêche artisanale maritime (PAM) des 5 pays côtiers. Pour tenir compte de certains spécificités, l’unité de base dans la PC était le ménage dont 11.584 enquêtés sur les 68.763 listés dans les sites visités et enquêtés, c’est à dire plus de 1000 par pays sauf la Guinée Bissau. Les unités de base dans la PAM étaient les sites de débarquements au nombre de 515 listés et des unités de pêche dont 21.5% ou prèsque 4.000 ont été enquêtées.
Cela fait comprendre d’une part la difficulté des directions de pêche et des bureaux statistiques nationaux disposant généralement de très maigres ressources en personnel et moyens de produire des statistiques annuelles sur les principaux indicateurs. Les mutations accélérées ces dernières années dans l’environnement physique, social, démographiques et économique appellent d’autre part à un suivi continu au moins par échantillon pour comprendre comment la pêche continentale et de pêche artisanale maritime changent et s’adaptent continuellement. L’atlas est donc un instrument précieux de départ pour une meilleure appréciation de l’importance de la pêche artisanale même si les chiffres ne sont pas actualisées depuis. Les résultats de six ans de travail restitués entre autres avec des fiches infographiques construites sur la base de ces enquêtes sont accessible au publique ici.
Récension fait par Aliou Sall, octobre 2022 (IYAFA2022).