Les conférences destinées aux jeunes chercheurs marins (YOUMARES) de la Société allemande pour la recherche marine (DGM) ont commencé comme un événement autoorganisé pour donner l'occasion aux étudiants et aux jeunes professionnels de partager les résultats de leurs études, de se forger une expérience en présentant leurs travaux dans un environnement et un réseau convivial. Au fil des ans, la participation est devenue de plus en plus internationale et depuis la pandémie, l’évolution générale vers les événements hybrides permettant une participation à distance a ouvert de nouvelles opportunités. La partie sur site de la 14e édition a été organisée à Hambourg, à bord du navire musée et de divertissement Cap San Diego, à proximité immédiate des salles de concert emblématiques de l’Elbphilharmonie.

La principale organisatrice et maître de cérémonie de plusieurs sessions était Deniz Vural, chercheuse en doctorat, qui avec son sens inné de l’organisation professionnelle allié à un grand charme a réussi à faire décoller l’événement de trois jours et à le clôturer avec succès, du 15 au 17 mai 2024. Comme nous l’avons constaté nous-mêmes à plusieurs reprises, il peut être difficile d'obtenir un retour d'information en temps voulu et de tenir toutes les promesses de la part de personnes se trouvant dans des situations différentes et luttant parfois avec leurs propres contraintes. Deniz mérite donc le respect et l’appréciation sans réserve de tous les participants et contributeurs à la conférence et à ses événements parallèles stimulants.

Parlons d’événements parallèles Tout a débuté par une excellente occasion de visiter le Tribunal international du droit de la mer situé à Hambourg depuis 1996. Les participants YOUMARES ont eu droit à une présentation informative, parfois même impressionnante, présentation et à une visite guidée par l'attachée de presse Julia Ritter. Le 21 mai 2024, le Tribunal rendra un avis consultatif très attendu sur la demande des petits États insulaires concernant le changement climatique et le droit international. Nous avons eu l'impression d'être proches du moment où l'histoire s'écrit.

Mundus maris a participé avec la stagiaire, Monica Facci, et la présidente, Cornelia E Nauen, au test du jeu de rôle élaboré pendant la période de stage de Monica autour du défi de simuler les délibérations souvent difficiles entre diverses parties prenantes autour de la mise en place d'une aire marine protégée dans la pratique. Le contexte est simple : l'inquiétude considérable suscitée par ce que l'on a appelé la « sixième extinction de masse des espèces » a conduit à l'adoption du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (GBF) lors de la quinzième réunion de la Conférence des Parties (COP 15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), en décembre 2022. La perte massive de biodiversité sur terre et dans la mer menace de perturber les nombreux biens et services que l'homme tire de la nature, notamment la production alimentaire et la santé publique. La mise en place et la gestion non seulement de l'extension des aires marines protégées (AMP) à 30 % de la mer, mais aussi de l'amélioration des 70 % restants, ainsi qu'une série d'autres mesures, constituent une feuille de route très ambitieuse pour le changement. Ces dernières années, des AMP ont été déclarées dans environ 10 % des mers côtières, mais une étude publiée dans Marine Policy en 2023 suggère que la grande majorité d'entre elles ne sont que des « parcs sur le papier ».

Passer de près de 10 % de parcs sur le papier à 30 % d'espaces réellement protégés, couvrant tous les types d'habitat, est une tâche ardue. Et nous savons que de telles mesures ne sont réalisables que si un large consensus social est atteint au moins parmi de nombreuses parties prenantes, si ce n'est toutes. Et que faire de ces minorités au portefeuille bien garni et à l'influence politique importante qui semblent ne pas se soucier des biens communs pour tous, si ce n'est en paroles mais pas en actes ? Sommes-nous tous prêts à défendre les biens communs dont les gens ordinaires ont tant besoin pour exister et prospérer ? Sommes-nous tous prêts à écouter attentivement les discours des différents groupes et à nous engager dans un dialogue respectueux afin de distinguer les informations authentiques des fausses ? Avons-nous le courage d'évaluer les arguments en fonction de ceux qui ont besoin de plus de soutien et de ceux qui en ont déjà beaucoup et qui peuvent supporter une plus grande charge de changement pour permettre la protection de la biodiversité pour tous ?

Lors du forum sur les océans, le premier jour de la conférence, Monica a expliqué le contexte et la portée de la conférence Jeu de rôle. Elle a expliqué la préparation intense avec un grand nombre d'interviews d'une série de parties prenantes en Europe et hors d'Europe et une recherche documentaire approfondie pour esquisser les différents personnages qui représentent des groupes de personnes ou d'organisations ayant un intérêt intense pour les AMP parce qu'elles peuvent affecter leurs conditions de travail et de vie. Monica a expliqué que la pièce présenterait un scénario fictif d'une AMP qui sera bientôt déclarée.

Elle a invité les participants à s'imaginer dans la peau de l'un de ces personnages et à s'engager avec les autres dans la recherche d'un terrain d'entente suffisant pour faire fonctionner l'AMP et atteindre les objectifs de restauration et de protection. Jusqu'à onze rôles ont été proposés, chacun accompagné d'une fiche d'information pour pouvoir se glisser plus aisément dans la peau des représentants : pêcheur artisanal, scientifique naturel, directeur de la future AMP, responsable d'une organisation de conservation marine, fonctionnaire (maire), propriétaire d'une organisation touristique, représentant d'un investisseur dans un parc éolien offshore, représentant de la station d'épuration locale, une femme pêcheur, un pêcheur industriel (capitaine), un chercheur en sciences sociales. Pour des raisons de calendrier, la pièce elle-même devait être jouée le lendemain, après que les volontaires avaient choisi leur rôle. Un modérateur devait faciliter les délibérations, respecter le temps imparti et veiller à ce que les échanges restent respectueux et ciblés.

Pendant la période trop courte du jeu de rôle, les participants se sont assis en cercle ouvert et ont rapidement échangé des arguments pour et contre l'AMP. Bien que tout le monde ait eu l'occasion de s'exprimer, le temps était trop court pour parvenir à un consensus significatif. Certains personnages se sont révélés plus dominants que d'autres. Dans l'ensemble, la recherche du consensus a été plus forte que la prise de position face à l'opposition très déterminée du pêcheur industriel. Il a nié catégoriquement l'existence d'une surpêche et a déclaré que l'AMP n'était pas nécessaire et qu'elle constituait un obstacle bureaucratique indésirable à sa vie déjà rendue difficile par des réglementations et des contrôles excessifs. Dans ce groupe, les tentatives d'apaisement ont prévalu sans aboutir à une conclusion.

Alors que le groupe commençait son jeu de rôle, d'autres participants à la conférence ont spontanément manifesté leur intérêt pour la mise en place d'un autre groupe de discussion en choisissant rapidement un personnage de leur choix. Naturellement, ils ont d'abord dû lire les fiches d'information correspondantes et ont donc commencé avec un peu de retard à présenter leur rôle respectif à l'un et à l'autre. Ici, le maire a joué un rôle plus proactif dans son désir de positionner la ville et ses environs comme un lieu d'investissement « vert/bleu » attrayant. Des arguments ont été échangés entre l'entreprise touristique, le pêcheur industriel et le parc éolien offshore qui prétendait occuper une partie de l'AMP prévue. L'investissement dans un meilleur traitement des eaux usées a nécessité quelques explications supplémentaires, mais a ensuite été jugé positivement. Peu avant la fin du temps imparti, le modérateur s'est efforcé de déterminer à quel point les positions étaient encore éloignées et si toutes les parties pouvaient accepter (a) de reconnaître la nécessité d'une AMP et (b) de convenir qu'au moins la zone la plus critique avec les frayères devait être une zone d'interdiction de pêche. Cela semblait acceptable pour un deuxième tour de table, manifestement nécessaire.

En raison de la programmation de la conférence, la réunion de debriefing tant attendue n'a pu être organisée que le dernier jour, alors que certains participants avaient déjà quitté les lieux. Le retour d'information a néanmoins été très utile pour revoir le matériel avant de le partager avec les groupes de différents endroits intéressés par l'utilisation du jeu de rôle pour les célébrations de la Journée mondiale de l'océan (8 juin). Le conseil le plus important a été de faire comprendre à quel point il peut être difficile de contrer les arguments et l'influence en coulisses des grands investisseurs ou des groupes industriels bien établis. La recherche d'un consensus pourrait donc devoir se concentrer davantage sur les parties prenantes qui dépendent plus directement d'un océan en bonne santé et mettre des limites à l'acceptation de ces interventions parfois ouvertement destructrices. Sinon, on risque de se retrouver avec un parc sur le papier, sans effet réel de restauration et de protection de la biodiversité et des habitats marins. Le débriefing a montré que les citoyens, les petits pêcheurs, les défenseurs de l'environnement et les entreprises qui fondent leur activité sur un océan sain doivent être beaucoup plus éloquents et organisés pour atteindre l'objectif. Un participant a également suggéré que le futur directeur du parc prenne en charge le rôle de modérateur afin de rendre le scénario plus réaliste.

L'équipe de Mundus maris est reconnaissante pour les commentaires reçus et espère en recueillir encore plus lors des prochains tests afin de fournir un terrain d'apprentissage pour devenir le changement dont nous avons tous besoin en matière de protection de la nature. N'hésitez pas à nous contacter à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. si vous souhaitez nous aider à affiner et à finaliser les instructions pour une expérience d'apprentissage amusante.

Traduction française de Pascale Braipson.